► 1935 à 1945 : répression et déportation:diamonds::diamonds::diamonds::diamonds: HomosexuelsDès l'année qui suit, en
1935, le régime durcit la législation envers les homosexuels via une modification du
paragraphe 175 du
Code pénal allemand qui en élargit la portée. La création en 1936 de l'
Office central du Reich pour la lutte contre l'homosexualité et l'avortement par
Heinrich Himmler confère à la répression de l'homosexualité des moyens organisationnels accrus, en termes de renseignements notamment. 984 condamnations d'homosexuels sont prononcées en 1934, mais 5 310 en 1936, et plus de 8 000 par an entre 1936 et 1939. L'association de l'homosexualité et de l'[color:2e6d=#db7093[
avortement, affichée dans le nom de l'
Office central, est liée à la politique
nataliste du IIIe Reich ; les hommes et femmes sans enfants sont considérés comme des ennemis de la nation, qui menacent sa force reproductive et sa pérennité.
Radio télégramme de la Gestapo établissant une liste de suspects
homosexuels au chef de la police de Dortmund, en 1934. Dans l'
Allemagne nazie, des homosexuels sont internés dans les premiers
camps de concentration (
Dachau,
Lichtenburg) ou encore à la Columbia-Haus. Berlin, qui était considéré comme la capitale de la liberté
homosexuelle, devient le théâtre d'une active répression : les boîtes de nuit, les lieux de rencontre, les cafés et les bars homosexuels sont fermés, et les hommes qui les fréquentaient sont arrêtés, incarcérés ou déportés. Dans les camps nazis, les déportés homosexuels doivent porter un
triangle rose, pointe tournée vers le bas, qui les identifie comme tels. Les nazis ont entrepris de purifier l'Allemagne de ce qu'ils considèrent comme une gangrène sociale, une « peste ».
La persécution des homosexuels n'est pas tant l'héritière d'une morale publique ou d'une pudibonderie qui était de rigueur sous l'Empire allemand mais se justifie désormais par des raisons d'hygiène publique et de préservation de la race, l'homosexualité étant généralement présentée comme un risque pour la fécondité allemande et donc pour son devenir démographique.
Tout cela n'empêche pas des personnes homosexuelles de vivre leur sexualité de manière clandestine.
Les homosexuels arrêtés pour infraction au
paragraphe 175 du Code pénal allemand qui réprime les relations « contre nature » entre hommes (« un homme qui commet un acte sexuel avec un autre homme est puni de prison ») sont soit incarcérés, soit transférés vers des camps de concentration. Les voies procédurales sont diverses, au gré des circonstances et de l'utilisation de la législation. Elles traduisent les incohérences ou les incertitudes de la politique à l'œuvre. Régis Schlagdenhauffen distingue quatre « trajectoires » types identifiables dans les sources : les premiers, arrêtés par la
Gestapo ou la
Kripo, sont d'abord jugés et condamnés à des peines d'emprisonnement, puis à l'issue de celle-ci envoyés par la Gestapo dans un camp de concentration. D'autres ne sont pas internés après leur peine de prison et échappent aux camps. Un troisième groupe est d'abord directement interné en camp par la Gestapo ou la police criminelle, puis jugé seulement à l'issue de cette première peine, et alors envoyé en prison, puis à nouveau envoyé dans un camp à l'issue de la peine. Le dernier parcours conduit immédiatement à l'internement dans un camp dès l'arrestation par la Gestapo.
Sous le Troisième Reich, entre 50 000 et 100 000 hommes homosexuels, surtout allemands, ont été incarcérés. Entre 5000 et 10 000 furent déportés, dont deux tiers d'entre eux en moururent. Portant le
triangle rose, ils sont affectés à de durs travaux dans les camps, voire sont utilisés comme
cobayes par des médecins. D'autres furent internés psychiatriquement. Le joueur de tennis
Gottfried von Cramm est condamné à un an de prison ferme en 1938-1939 pour homosexualité.
Dans le cadre d'
expérimentations médicales, le médecin
Carl Vaernet se livra à des expériences hormonales sur des détenus du camp de
Buchenwald afin de trouver un traitement permettant de « soigner » l'homosexualité.
:diamonds::diamonds::diamonds::diamonds: LesbiennesSi le paragraphe 175 concerne exclusivement les hommes, la répression des
lesbiennes est réelle. Dès mars 1933, la revue lesbienne
Die Freundin et les associations lesbiennes sont mises à l'index, entrainant une mise en veilleuse de la culture lesbienne.
Le IIIe Reich est en proie à des débats internes concernant la pénalisation du lesbianisme : le juriste Rudolf Klare est partisan d'une pénalisation, calquée sur ce qui existe déjà en Autriche, et seule manière selon lui de faire revenir les lesbiennes dans le chemin du mariage et de la maternité. Finalement, sa proposition n'est pas retenue, pour trois raisons : contrairement à l'homosexualité masculine, le lesbianisme n'est pas vue comme une nature irrévocable, mais comme quelque chose de rééducable ; deuxièmement, car il est pratiquement difficile de distinguer relation amoureuse et amicale entre femmes ; enfin, car les nazis ne voient pas dans le lesbianisme une remise en cause de l'ordre patriarcal, dans lequel les femmes sont subordonnées aux hommes et peuvent produire et élever des enfants.
Cet idéal de la femme au foyer élevant des enfants fait qu'Hitler décide rapidement après son arrivée au pouvoir d'interdire l'accès à de nombreux emplois aux femmes ; de nombreuses lesbiennes perdent ainsi les moyens matériels de mener une vie indépendante et se voient contraintes, pour continuer à avoir des ressources financières, de se marier ; de nombreuses font le choix de le faire avec des hommes homosexuels, espérant ainsi se protéger mutuellement.
Cette absence de condamnation pénale formelle n'empêche pas la réprobation sociale, policière, ou la déportation. Des couples de femmes sont ainsi dénoncées par leurs voisins et la police effectue des descentes dans les lieux de socialisation lesbienne. Certaines lesbiennes, comme
Elsbeth Killmer,
Selma Engler ou
Ruth Margarete Roellig, réussissent à cacher leur homosexualité, notamment en se conformant aux normes de genre qui attendent d'elles une présentation féminine : cheveux longs, vêtements féminins. La gérante de bar lesbien Elsa Conrad est ainsi arrêtée à l'automne 1935, condamnée à quinze mois de prison, puis déportée au
camp de concentration de Moringen, probablement parce qu'elle est également Juive ; libérée en décembre 1938, elle quitte l'Allemagne pour la Tanzanie.
Lotte Hahm est aussi arrêtée et passe en camps de concentration après sa peine de prison, dont elle ressort handicapée. Pour échapper à la Gestapo, la peintre Juive
Gertrude Sandmann simule un suicide puis doit sa survie à ses amies qui la cachent dans un appartement.
Plusieurs dizaines d'autres lesbiennes sont déportées, comme
Henny Schermann ou
Eva Kotchever, également Juives. Dans les archives, le lesbianisme est considéré comme circonstance aggravante, mais non principale, de leur déportation. Dans les camps, les lesbiennes sont victimes d'humiliations et de viols ; des relations aussi s'y nouent mais sont punies très sévèrement (privation de nourriture, coups de bâton, enfermement, voire la mort).