► Centre de torture et d'exécution« Ce qui fait de Breendonk le plus dur des camps, c’est la terreur judiciaire systématiquement entretenue. On savait qu’on était là « pour parler » et que la discipline du camp devait « nous faire parler ». »
— L.-E. Halkin, À l’ombre de la mort
Le Auffangslager Breendonk comptera au moins 3 532 détenus jusqu’en
septembre 1944 1 733 ne survivront pas à la guerre et aux maltraitances de Breendonk ou des autres camps par lesquels ils passeront. Au fort de Breendonk, ce seront près de 200 prisonniers qui seront exécutés.
La potence
Avant d’être transférés vers d’autres camps, les résistants sont interrogés, maltraités et torturés dans le « bunker » ; un ancien
magasin à poudre reconverti en salle de supplices mise en place en
1942.
« La voiture s’arrête devant le fossé qui entoure le fort, ce fossé profond dans lequel des camarades sont morts noyés comme des chiens. »
— L.-E. Halkin, À l’ombre de la mort
Vue latérale du "bunker"
L’entrée du camp s’ouvre sur l’ancien corps de garde abritant la
Wehrmacht officiant pour la surveillance extérieure du fort. Il donne sur l’entrée du fort, voutée et sombre.
« À Breendonk, en quatre ans, il n’y eut que trois procès ; de plus, sommaires. Lors de l’un d’eux, douze prisonniers amenés ici à deux heures, furent condamnés à quatre heures et pendus à six heures. Pendus trois par trois. Promis au même sort, leurs compagnons assistèrent à leur supplice. »
— P. M.G. Lévy
Vient comme autre endroit principal la cantine des SS avec au-dessus du mur principal la devise de la
SS : «
Mon honneur s’appelle fidélité ». Parfois cette cantine sert de tribunal d’exception.
Il y est bien entendu préparé le repas des gardes, mais aussi « celui » des prisonniers.
« Au déjeuner, à 5 heures 30 : deux tasses de jus de glands torréfiés et 125 grammes de pain. Au dîner, à 15 heures 30 : 2 bols de soupe claire. Au souper, à 18 heures : deux tasses de jus de glands torréfiés et 100 grammes de pain. »
— Ministère de la Justice, Commission des crimes de guerre, Les crimes de guerre commis sous l’occupation de la Belgique, 1940-1945, Le camp de torture de Breendonk
La cantine des SS
À cette maigre pitance se rajoute le travail forcé amaigrissant encore les prisonniers pour les rendre faméliques : pousser des chariots, casser les pierres, porter des sacs de ciment… Un travail lourd ; mais aussi pour quelques autres « privilégiés » de travaux plus légers comme pour les tailleurs, les menuisiers ou infirmiers. C’est de cette manière qu’ont été débarrassés les 250 000 m3 de terre recouvrant en grande partie le fort : à grands coups de fouet sur les prisonniers ; destinés uniquement à briser physiquement et préalablement ceux que l’on soumettrait aux interrogatoires poussés ou s’ils l’ont déjà été dans l’attente d’un transfert vers d’autres destinations aux noms sordides.
Cellule d'isolement
Dès les moments de tortures dans le « bunker » passés, le détenu est déporté, sans autre justice ou forme de procès vers d’autres camps ; enfonçant le supplicié dans les méandres de la mort à petit feu. Il y a aussi les exécutions, par balles ou pendaison, autorisées par des simulacres de jugement ou par répressions ; elles seront au nombre de 187; elles se font dans un enclos à l’arrière de la bâtisse.
Les sanitaires.
À l’intérieur d’une autre aile du bâtiment les quelques cachots et cellules. Ce ne sont que quelques enclos de plus dans lesquels il est impossible de se mouvoir et dans lesquels ils n’y a pas de lumière. Ces « cages » sont destinées aux prisonniers mis aux secret ou les punis.
Enfin, la place d’appel, lieu de rassemblement mais aussi sur laquelle donnent les latrines, les douches et l’entrée des chambrées.
« En général, le détenu est conduit le soir ou la nuit devant ses bourreaux. Ses cris traversent alors mieux les parois des chambrées et terrorisent ses compagnons, ce qui les empêche de dormir. »
— C. Pahaut et F. Maerten (Démocratie ou Barbarie)
Que l’on parle tellement de Breendonk pour les tortures par rapport aux autres camps est normal ; le nombre de gardiens est particulièrement élevé : 1 pour 10 détenus. Il est impossible dès lors de passer inaperçu. De plus, le « bunker » est présent pour faire parler les récalcitrants. Parfois des mesures spéciales pour les prisonniers sont mises en place :
« Breendonk, le 20 août 1941
Ordre de surveillance spéciale : pour le détenu 169
1. Le détenu doit être continuellement maintenu sous surveillance et enchaîné.
2. Il ne peut être conduit aux latrines qu’accompagné de deux sentinelles.
3. En cas de tentative de fuite, il ne peut en aucun cas être fait usage d’une arme. Le détenu doit être maintenu sous contrôle par la force physique.
4. Il est formellement interdit de s’entretenir avec le détenu. Toute déclaration de sa part doit être rapportée au SS Unterstumführer Lais.
5. Lors des sorties nécessaires, le détenu aura la tête recouverte d’un sac.
6. Lors de la relève, la garde devra prendre connaissance quotidiennement de ces consignes.
SS Sturmbannführer Schmitt|C. Pahaut et F. Maerten (Démocratie ou Barbarie) »
Instruments de torture dans le "bunker"Mais un autre facteur entre en jeu sur le point psychologique : les gardes allemands sont assistés par des SS de l’
Algemeen SS Vlanderen :
« des Belges pour surveiller d’autres Belges ». Ceux-ci se montrent cruels ; indignant les gardiens extérieurs de l’armée régulière qui prennent quelquefois la défense des prisonniers.
En 1944, pour vider le fort, a lieu un transfert de prisonniers vers le camp de
concentration de Bois-le-Duc aux Pays-Bas (en néerlandais :Kamp Vught).
Le 30 août 1944, un dernier convoi de prisonniers encore présents a été envoyé en Allemagne.
Fin août 1944, le commandant du camp
Karl Schönwetter prend la fuite en Autriche et se rendra aux
Alliés en
1944.
Le 25 novembre 1949, le premier commandant du camp,
Philipp Schmitt, arrêté aux Pays-Bas, est jugé et condamné à mort par le Conseil de guerre d'Anvers, tribunal militaire. Il sera le dernier
condamné à mort exécuté en
Belgique.
Peu de temps après la Libération, le fort est utilisé pour détenir les collaborateurs et les inciviques. Il est renommé « Breendonk II ». C’est la résistance elle-même qui y enferme ceux-ci (principalement flamands) ; certaines exactions sont toutefois commises pendant la courte période jusqu’à l’évacuation du fort (les « prisonniers » sont transférés à la caserne Dossin).