► Les ArbeitsjudenComme à
Chelmno ou à
Belzec, des déportés juifs, connus sous l'appellation de Sonderkommandos ou Arbeitsjuden, sont utilisés pour des tâches annexes au processus d'extermination.
Les opérations de tuerie► L'arrivée des convoisL'Oberscharführer SS
Kurt Bolender décrit le processus :
« Quand le train s'arrête, on fermait le portail et la garde ukrainienne entourait le train ; je crois que les Juifs descendaient d'eux-mêmes ; ils étaient menés sur la place ; sur cette place, ils devaient se déshabiller, hommes et femmes séparément. »
Eda Lichtman, survivante de Sobibor, raconte l'arrivée au centre :
« Nous avons entendu le SS Michel debout sur une table rassurer les gens ; il leur promettait qu'après le bain ils retrouveraient leurs affaires ; il ajoutait qu'il était temps que les Juifs deviennent des membres productifs de la société ; qu'on allait les envoyer en Ukraine vivre et travailler ; son discours inspira confiance ; certains applaudirent, d'autres se mirent à chanter et danser. »
Les gardiens expliquaient aux vieillards et aux invalides qu'on les menait à l'hôpital pour les soigner, mais, dans les faits, on les transportait dans une carriole au centre III où ils étaient gazés ou abattus.
Dans les premiers temps, les victimes devaient se déshabiller en plein air, puis on construisit des baraques prévues à cet effet, il y avait dessus un écriteau « caisse » où on remettait argent et objets de valeur par une fenêtre ; parfois, pour rassurer les victimes, le caissier
Alfred Ittner leur remettait un reçu ; il y avait aussi un autre écriteau avec la mention « bains ».
► L'exterminationErich Bauer, responsable du centre III à partir d'août 1942, raconte :
« L'entrée dans le boyau se passait ainsi ; un SS ouvrait la marche, cinq à six auxiliaires poussaient les Juifs par-derrière ; [...] dès qu'un groupe de Juifs avait pénétré dans le boyau, les vêtements laissés par eux étaient enlevés de la place du camp II par une corvée juive de douze hommes et mis dans des baraques de tri ; ils ne pouvaient pas les voir, car elles étaient cachées par des palissades. »
Si des convois arrivaient de nuit, on faisait descendre les occupants des trains et on les gardait jusqu'au matin au centre II. Ils se déshabillaient et étaient conduits directement aux
chambres à gaz.
Dès l'entrée des victimes dans le centre II, le processus s'accompagnait de la part des SS et des Ukrainiens d'une grande violence ; des chiens avaient été dressés pour mordre les victimes une fois nues, sans compter les coups de fouet et les tirs de revolver pour les terroriser et les faire courir plus vite jusqu'au bout du chemin de mort. La première phase d'activité de Sobibor alla de mai à juillet 1942 ; en général, il y avait un convoi d'environ vingt wagons par jour avec en moyenne 2 200–2 500 déportés. À chaque convoi, on sélectionnait des travailleurs qualifiés, menuisiers, tailleurs, cordonniers.
L'ordre de
Heinrich Himmler du
19 juillet 1942 d'anéantir tous les ghettos
juifs avant la fin de l'année amena les responsables SS de l'
Aktion Reinhard à accélérer le processus d'extermination et par voie de conséquence à augmenter la capacité des chambres à gaz. On décide donc à Sobibor d'en construire de nouvelles ; le nouveau bâtiment compte six salles au lieu de trois, avec un corridor central ; la capacité totale atteint environ 1 200 personnes alors que l'on construit la voie ferrée étroite longue de 300 à 400 m avec une petite locomotive diesel. Le Scharführer SS Erich Bauer précise :
« Ces wagonnets furent installés pour transporter au centre III les malades, les infirmes et les enfants ; je sais que ces gens, en particulier les nourrissons, allaient à ce qu'on appelait « l'hôpital », où ils étaient abattus par le personnel du centre III. [...] C'était un fait connu de tous qu'on abattait les malades au centre III. »
Les opérations d'extermination se poursuivent jusqu'à l'été 1943.
► Le sort des cadavresDès l'été 1942, des centaines de milliers de cadavres gisent dans d'immenses fosses communes.
Heinrich Himmler donne l'ordre de faire disparaître toute trace des crimes. À l'automne, le commandant du centre ordonne de les brûler en totalité. Comme à Belzec, les cadavres sont exhumés et incinérés sur des bûchers à l'air libre.
Monument reconstituant un bûcher à Belzec.
Le jugement du tribunal de Hagen déclare :
« Déjà au cours de l'été 1942, la mécanique de l'extermination avait dû être modifiée pour une autre raison : avec la chaleur, les fosses remplies de cadavres gonflèrent, la décomposition des cadavres attirait les insectes et répandait dans toute la région une odeur pestilentielle ; la direction du centre craignait une contamination de l'eau potable.
On amena au centre une excavatrice lourde munie d'une grosse tête de ramassage ; on retira des fosses les cadavres déjà décomposés, qu'on brûlait ensuite sur de grands grils dans une autre fosse vide. Le gril était composé de vieux rails de chemin de fer posés sur un socle en béton. Tous les cadavres furent brûlés, même de nuit ; la lueur des flammes se voyait de partout, et l'odeur de chair humaine brûlée se répandait très loin à la ronde. »
La révolte du 14 octobre 1943À la fin de 1942, la quasi-totalité des ghettos juifs du
Gouvernement général ont été détruits. Le [color:9339=#f5f5dc
5 juillet 1943,
Himmler, qui a visité le camp en
février 1943, ordonne donc de transformer Sobibor en
camp de concentration. Cet ordre signifie l'arrêt de mort des
Arbeitsjuden qui travaillent aux quais d'arrivée des déportés et dans le centre III.
Il est évident pour eux qu'étant témoins de l'extermination de dizaines de milliers d'innocents, les
SS ne permettront pas à un seul d'entre eux de rester en vie. Ils apprennent le soulèvement des déportés à
Treblinka début août et un projet de révolte se met en place. Le
23 septembre arrive un convoi de
Juifs biélorusses, tous affectés à la construction de bâtiments ; avec
Léon Feldhendler comme chef, secondé par
Alexander Petcherski, lieutenant de l'
Armée rouge,
prisonnier de guerre juif surnommé « Sacha », le 14 octobre 1943, la révolte éclate dans le centre.
Les révoltés réussissent à désarmer des gardiens, à tuer une dizaine de SS et de gardes ukrainiens et à ouvrir une brèche dans les barbelés. Près de 320 déportés sur un total de 550, rassemblés pour l'appel qui devait avoir lieu à 16 h, réussissent effectivement à sortir du centre, mais seulement 53 survivent à leur fuite, quelque temps plus tard. Des dizaines d'entre eux trouvent la mort dans le champ de mines entourant le camp. À l'occasion de cette révolte, neuf membres de la SS et deux gardiens ukrainiens
trawnikis, des
Volksdeutsche, périssent également. Par la suite, les SS assassinent presque tous les prisonniers du centre qui n'ont pas pu s'enfuir ou même qui n'ont en rien participé à la résistance, soit plusieurs centaines de personnes. Seuls quelques-uns sont conduits dans d'autres camps. En tout et pour tout, seulement 50 prisonniers survivent à la guerre.
Cette révolte organisée fut l'une des trois qui éclatèrent dans les
centres d'extermination, avec
celle de Treblinka le
2 août 1943 et celle du
Sonderkommando de
Birkenau le
7 octobre 1944.