► Création du ghettoLe
31 mars 1941 est constitué le ghetto de Kielce. Les Juifs des villages environnants sont forcés d'y entrer. Une barrière de bois combinée avec du barbelé entoure le ghetto, divisé en deux parties : le grand ghetto avec les rues Orla, Piotrkowska, Nowowarszawska, Pocieszki et Radomska, et le petit ghetto, un triangle formé par la place Saint Wojciech et les rues Bodzentynska et Radomska. Le ghetto se compose de 500 appartements prévus pour 15 000 personnes, mais en fait 27 000 juifs y sont installés. La situation y est difficile, surtout lorsque le
19 février 1941 arrivent encore 1 004 juifs de
Vienne. Les portes du ghetto sont fermées le
5 avril 1941, gardés par 85 membres de la police du ghetto juif.
Carte du ghetto de Kielce, la rivière Silnica sépare le ghetto en deux.
La ration de nourriture est officiellement de 130 grammes de pain par personne tous les deux jours. La majeure partie des juifs est obligée de vendre ses biens pour manger. Mais comme les gens ne possèdent plus rien après quelques mois, la
famine se répand rapidement dans le ghetto et la mort fait des ravages. Les seuls à se nourrir suffisamment, voire en abondance, sont les membres du Judenrat et de la
police juive. Malgré les menaces de sévères punitions (1 942 « contrebandiers » seront fusillés) le trafic et la
contrebande deviennent le principal moyen de survie et la majorité des Juifs y ont recours. Après l'arrivée des Juifs de Vienne,
Poznań,
Łódź, et de la
voïvodie de Kielce, les prix de denrées alimentaires grimpent en flèche. La surpopulation sévère, la faim endémique et les épidémies de typhus épidémique ont coûté la vie à 4 000 personnes avant la mi-1942.
► LiquidationLe
sort des juifs ghettoïsés à travers la Pologne occupée est scellé à
Wannsee au début de 1942, lorsque la
solution finale a été finalisée. Avant la liquidation du ghetto, le Gestapo organise une Aktion contre les « officiers polonais et les communistes » au printemps 1942. De nombreux médecins et membres juifs de l'
intelligentsia sont assassinés, d'autres arrêtés et déportés à Auschwitz. De ce fait, la
Gestapo veut éliminer toutes les personnes susceptibles de prendre la tête d’une
résistance dans le ghetto, pratique courante avant des actions de déportation à grande échelle.
Liquidation du ghetto de Kielce : rafle dans la rue Starowarszawska. La liquidation est effectuée en trois opérations étalées sur cinq jours (du 20 au
24 août 1942), dans le cadre de l'
opération Reinhard, qui marque la phase la plus meurtrière de la Shoah en Pologne occupée. L'opération est dirigée par le
SS-Hauptsturmführer Ernst Thomas et le
Hauptmann Hans Geier. Le premier jour, entre 6000 et 7000 personnes, principalement des femmes et des enfants, sont rassemblés dans la rue Okrzei, puis déportés au
camp d'extermination de Treblinka. Chaque Juif a le droit de prendre 20 kilos de bagages, mais surpris par la soudaineté de l’action, la majeure partie des gens rejoignent le point de rassemblement sans rien. La sélection se déroule le 22 août : les personnes âgées, les invalides et les malades sont emmenés non loin et exécutées sur place, soit environ 500 personnes. Le 23 août, les SS se rendent à l’hôpital où ils forcent les médecins juifs à tuer des centaines de patients par les injections mortelles, puis tuent tous les autres patients. Entre 20 000 et 21 000 juifs sont envoyés à Treblinka dans des
trains de l'Holocauste durant cette liquidation, et 1 200 tués sur place. À la fin de l'opération le
24 août 1942, il ne reste que 2 000 personnes dans le ghetto.
► Camps de travailLes ouvriers qualifiés juifs survivants de la liquidation sont emprisonnés dans un camp spécial dans les rues Stolarska et Jasna. Le Lagerälteste (« aîné » de camp) de ce camp est Gustav Spiegel, un juif allemand. Les prisonniers sont chargés de récupérer tous les biens et de nettoyer le ghetto. Ils doivent de plus trier des vêtements provenant de Treblinka. Le camp fonctionne jusqu'au printemps 1943, date à laquelle une partie des prisonniers est envoyée dans les camps de travail de
Starachowice,
Skarzysko-Kamienna,
Pionki et
Blizyn. Quant à ceux qui restent, les SS commencent en mars 1943 par liquider tous les médecins juifs et leurs familles, puis le
23 mai 1943, un groupe de 45 enfants âgés de 15 mois à 15 ans.
Plusieurs entreprises de travail forcé sont créées dans la ville par les
SS, notamment Hasag Granat Werke (rue Mlynarska) d'une main-d'œuvre active de 400 à 500 Juifs fabriquant des munitions et travaillant dans les carrières, opérant jusqu'en août 1944 ; la Ludwigshütte (fonderie d'avant-guerre de Ludwików) d' une main-d'œuvre active 200 à 300 travailleurs opérant jusqu'en été 1944 ; l'usine de menuiserie Henryków — plus de 150 Juifs vont y être exterminés sur les 400 qui y sont employés — et divers ateliers pour l'économie de guerre allemande. Les Juifs travaillant dans ces usines étaient presque les seuls à avoir survécu à la liquidation du ghetto, pendant deux ans de plus. La
résistance clandestine juive, sous la direction de Dawid Barwiner (Bachwiener) et de Gerszon Lewkowicz, tente en vain de se procurer des armes. La production secrète d'armes et de munitions pour le soulèvement prévu échoue brusquement lorsque le chef de la police juive, Wahan Spiegl (Spiegel), informe la Gestapo du plan qui se prépare dans les ateliers de métallurgie allemands.
En août 1944, tous les camps sont fermés et les prisonniers évacués à
Auschwitz,
Czestochowa (Hasag Werke) et
Buchenwald. Pendant l’évacuation du camp de la Hasag Granat Werke, 28 juifs parviennent à s’échapper et à rejoindre les
partisans ou à se cacher dans les villages environnants, accueillis par des
sauveurs polonais locaux. Parmi les
Juste Polonais ayant aidés les Juifs du ghetto de Kielce figure Bolesław Idzikowski et la famille Śliwiński.
L'
armée rouge atteint Kielce le
15 janvier 1945. La
communauté juive autrefois dynamique de ville prospérant depuis le milieu des années 1800 est pratiquement anéantie.