Conditions de vie dans le ghettoLe régime de maintien par la force des Juifs dans le ghetto fut terriblement cruel. Dans chaque maison de la Doubrovenka s'entassaient jusqu'à 40-60 personnes. Les produits alimentaires manquaient. Tous les prisonniers aptes au travail étaient contraints d'effectuer des travaux physiquement lourds.
Le but des occupants était d'humilier et d'offenser pour détruire les sentiments patriotiques des prisonniers du ghetto. Les jeunes Juifs étaient sans cesse battus et matraqués, quant aux vieux, on se moquait d'eux en leur coupant barbes et moustaches.
Bundesarchiv Bild 101I-138-1083-20, Russland, Mogilew, Zwangsarbeit von Juden - Archives fédérales, image 101I-138-1083-20, Russie, Mogilev, travail forcé des Juifs
Les fusillades se poursuivaient sans arrêt. 337 Juifs furent ainsi exécutés, sous l'accusation de « comportement insolent ». Deux Juifs furent tués parce qu'ils ne portaient pas l'étoile jaune, deux autres encore furent exécutés comme agents du
NKVD, trois furent fusillés après la découverte sur eux de substances explosives, quatre pour refus de travailler, huit furent exécutés pour
« incitation et propagande ».
Destruction du ghettoLa seule réclusion dans le ghetto entrainait déjà la mort des Juifs. Les gens étaient fusillés devant leurs propres maisons.
« À Moguilev les juifs tentèrent aussi de saboter le déménagement vers le ghetto. 113 Juifs furent tués pour cette raison ».
En octobre 1941, les occupants organisèrent deux « actions » (c'est par cet
euphémisme que les nazis appelaient leurs organisations de massacres de masses) pour la destruction du ghetto de Doubrovenka. Le premier massacre de masse, la première « action » eut lieu les
2-3 octobre 1941. Les exécuteurs de Juifs furent l'Einsatzgruppen, les bataillons de police
316e et 322e, et aussi le 51e bataillon ukrainien de protection actif dans la
Collaboration biélorusse pendant la Seconde Guerre mondiale et le détachement « Waldenburg », qui tuèrent 2 273 Juifs. Parmi eux, 65 furent tués directement dans le ghetto le 2 octobre 1941. Si bien qu'il restait encore 2 208 personnes au début du refoulement dans l'usine de « Dimitrov ». Celles-ci furent fusillées le 3 octobre 1941 au cimetière juif de Machekovsk.
La seconde « action » se déroule le 19 octobre 1941. Y participèrent les Einsatzgruppen, les bataillons de police 316e et 322e, et aussi le 51e bataillon ukrainien de protection actif au sein de la
Collaboration biélorusse pendant la Seconde Guerre mondiale. 3 726 Juifs furent fusillés probablement aux villages de Kasimirovk et Novapachkov. L'extermination des prisonniers du ghetto se déroula dans les deux cas selon un scénario identique :
« Automne 1941. Il faisait déjà très froid. Les Allemands sont arrivés dans le ghetto avec de nombreuses voitures, ils commencèrent à chasser les juifs hors de leur maison et à les embarquer dans les voitures. Dans le ghetto c'étaient les cris, les pleurs, les hurlements. Ceux qui ne pouvaient pas marcher étaient fusillés sur place. J'ai vu cela de mes yeux. Toutes les voitures étaient recouvertes d'une bâche ».
La date de la fusillade d'environ 4 800 Juifs dans le village de Polikovitch n'est pas connue à ce jour.
Bundesarchiv Bild 101I-138-1091-31A, Russland, Mogilew, Juifs rue du village à Moguilev/ Juden auf Dorfstraße
À Moguilev, pour tuer leurs victimes, les Allemands adaptèrent des équipements spéciaux sur des véhicules automobiles qui étaient appelés
Gaswagen (aussi surnommées « douchégoubki » en russe). Ces instruments de la mort se présentaient comme des véhicules à triples essieux générateurs de gaz de couleur sombre. Les gens étaient tués par l'introduction des gaz d’échappement dans la cabine hermétiquement fermée. La liquidation du ghetto à Doubrovenka entraîna le pillage des biens qui restaient encore aux mains des Juifs. Les maisons étaient fouillées pour rechercher les objets de valeur, des vêtements convenables, et des ustensiles ménagers.
La destruction du ghetto à Doubrovenka termina provisoirement la première période de l'histoire de la
Shoah à Moguilev. La seconde période fut davantage celle durant laquelle les Allemands s'occupèrent des Juifs de la « troisième catégorie » : les spécialistes et les artisans dont les nazis avaient besoin et qu'ils tuèrent pour cette raison en dernier lieu. Cordonniers, bourreliers, serruriers, forgerons, menuisiers, couturiers, ferblantiers, tanneurs, vitriers, peintres en bâtiment furent fait prisonniers et contraints au travail obligatoire à l'usine de Dimitrova qui s'appelait Strommachina (en russe « Строммашина »). Environ 1 000—1 500 Juifs furent enfermés là à la fin septembre 1941. Au début, ce camp fut vraisemblablement occupé par des Juifs uniquement et était une espèce de camp de travail de type fermé : il était surveillé et il était interdit d'en sortir. Suivant le chercheur L.M. Najmарk, après la liquidation du camp à Doubrovenka, un grand nombre de Juifs furent amenés et tués à cet endroit. Le travail de ces Juifs prisonniers consistait en des travaux physiquement très lourds, soit liés à leur spécialité, soit sans liens avec elle.
Par exemple, les travailleurs juifs furent utilisés pour inhumer les victimes des tueries au gaz à l'automne 1941 soit 1 200 malades de la clinique psychiatrique de l'oblast de Moguilev.
Les Juifs étaient maîtres artisans dans différents métiers : cordonnerie, couture, serrurerie, savonnerie, mais aussi dans la forge et dans la charpenterie. Les habitants du camp de travaux forcés étaient peu nourris. Le matin on leur donnait 150-200 grammes d'un
ersatz de pain, et le soir une soupe, dans laquelle, habituellement, on ajoutait de la viande de cheval crevé, ou de chiens et chats morts. Chaque dimanche les Allemands procédaient au nettoyage, enlevant ce qu'ils appelaient les « équipiers du ciel » ; en réalité ce qui voulait dire : les cadavres des Juifs morts durant la semaine. Le manque de nourriture et les mesures de répression dans le camp provoquaient chaque jour le décès de 15-20 prisonniers. Il y eut aussi des cas d'épidémies de typhus à cause de la promiscuité et de l'absence de mesures sanitaires appropriées. Les corps des fusillés débordaient aussi des deux fosses où ils avaient été jetés.
Après la visite de
Heinrich Himmler, le 23 octobre 1941, le camp fut élargi. En décembre 1941, les nazis fusillèrent 180 Juifs prisonniers, accusés d'« instigation active ». Par exemple, dans la banlieue de Moguilev lors d'une rafle, 135 Juifs furent capturés sans
étoile jaune et papiers d'identité et tués.
Environ 400 Juifs furent amenés de Slonim au camp le 23 mai 1942. Suivant la version d'un enseignant allemand Christian Gerlach, en 1942 (la date n'est pas certaine) 4 000 Juifs prisonniers furent tués en une seule « action » dans le camp.
Suivant les données des services de renseignement des partisans, vers le mois de septembre 1943, il ne restait plus dans le camp de Dimitrov que 500 personnes, parmi lesquelles 276 Juifs qui furent par la suite envoyés à [color:3624=076726]
Minsk puis à
Maidanek.Après s'en être pris aux Juifs, les Allemands s'en prirent aussi aux Juifs de familles mixtes, qu'ils trouvèrent puis tuèrent aussi. Ils tuèrent ainsi les enfants de Sipakova F.D. dont le mari était juif ; de même pour les quatre enfants de la famille Konokhovy, tués ensemble avec leur père. Le nombre exact des enfants tués par les nazis parce qu'ils provenaient de mariages mixtes n'est pas connu avec exactitude.
À l'automne 1943, pour cacher les traces de leurs crimes les Allemands déterrèrent les restes des tombes dans les villages de Polykovitch, de Novapachk, de Rasimirov et les brûlèrent.
Le chiffre global des victimes est repris par une
Commission extraordinaire de l'État du 8 octobre 1944 et s'élève à 10 000 Juifs. Toutefois, dans les documents cités, il n'est pas tenu compte des fusillés du camp situé dans l'usine de Dimitrov. Le chiffre approximatif des victimes juives s'élève à 12 000.