► OrigineL'idée de quartier séparé pour les Juifs remonte au
concile de Latran en 1215.
À la suite de la
Reconquista catholique en Espagne et de l'
Inquisition de
Torquemada, de nombreux Juifs fuient le royaume espagnol et viennent grossir les rangs de la communauté vénitienne. De plus, à la fin du quinzième siècle, la découverte de l’Amérique et la nouvelle route vers l’Inde découverte par Vasco de Gama ouvre la voie à des nouveaux concurrents qui vont fragiliser les ressources financières de Venise, et donc la décision d’autoriser les prêteurs juifs qui « faisaient banque » à s’installer à Venise dans les années 1501-1502. La population s'inquiète de ce nouvel afflux.
► CréationLe 27 mars 1516, le sénateur Zaccaria Dolfin propose de les confiner sur une île dans le quartier de Cannaregio. Le 29 mars 1516, le Sénat de la
République de Venise publie un décret pour fondation du ghetto dans ce quartier. Le choix du site est déterminé par sa situation à la périphérie de la ville et par le fait qu'il n'abrite pas d'église chrétienne et qu'il est facile à contrôler grâce à la construction de deux portes qui sont fermées le soir. Les Juifs sont parqués la nuit autant pour les protéger que pour les surveiller. Ils doivent en outre porter un habit distinctif, une
rouelle jaune remplacée quelques années plus tard par un béret de la même couleur. La communauté devra également s’acquitter chaque année de la somme de 14.000 ducats. La résidence dans ce quartier est également imposée aux
Juifs vénitiens dans le but de subir une prédication forcée par les
ordres prêcheurs et
mendiants, un courant théologique minoritaire, mais appuyé par plusieurs décisions papales affirmant que la
parousie aurait lieu une fois que tous les Juifs auront été convertis au christianisme.
Au total, ce sont 700 juifs qui vivent sur la Lagune qui sont déplacés dans ce quartier.
► EvolutionLe quartier est progressivement agrandi, par l'ajout de la petite île appelée initialement « terreno del ghetto » (terrain du ghetto), puis Ghetto Nuova (1516, appelée plus communément Ghetto Nuovo), le Ghetto Vecchio en 1541 (année qui voit les Juifs levantins contraints d'être confinés dans le ghetto) enfin, en 1633, le Ghetto Nuovissimo. Divisée en trois « nations » (allemande,
levantine et
ponantine), la communauté juive compte plus de 5 000 personnes au xviie, 1 600 personnes lors de l'
occupation de la ville par les troupes de Napoléon le 12 mai 1797.
Le 7 juillet 1797, les portes de l’ancien quartier juif isolé sont abattues par les troupes françaises : les Juifs sont
émancipés au nom des valeurs de la Révolution (« liberté, égalité, fraternité ») en échange de leur alliance, mais les plus pauvres restent dans le Ghetto et bon nombre de ses habitants avaient quitté depuis longtemps le quartier à la suite de son déclin économique au XVIIIe . Le Ghetto est cependant rétabli par les
Autrichiens en 1804. Un bon nombre de bâtiments est détruit en 1844 et remplacé par la Casa di Riposo (maison de retraite, originellement créée comme un centre ouvrier pour donner du travail aux Juifs les plus pauvres). Il faut attendre la libération de Venise et son rattachement au jeune
royaume d'Italie en 1866 pour la suppression définitive du ghetto. Entre 1943 et 1944, sous occupation allemande, 200 juifs sur les 1200 habitant le ghetto sont déportés vers Auschwitz, seuls huit reviennent; les autres se sont cachés dans la ville, à la campagne ou en Suisse. Au début du XXIe, la communauté juive vénitienne compte quelque 450 membres dont quelques familles vivant dans le Ghetto.
C'est dans ce quartier que l'on rencontre des immeubles parmi les plus élevés de la ville, parfois de six ou huit étages. En effet, du fait de l'impossibilité de construire de nouvelles habitations au sein de ces quartiers limités et clos, les habitations se sont développées verticalement. La réhabilitation des bâtiments vétustes du ghetto a commencé depuis les années 1990 mais les investissements nécessaires expliquent son ampleur limitée.
► Place de la communauté juiveBien que contrôlée, l'activité commerciale des juifs dans ce ghetto a longtemps été florissante. Ayant gardé des liens de confiance avec les communautés juives disséminées en Europe et en Méditerranée, ils vont établir de nouvelles routes commerciales vers Alexandrie, Constantinople, Anvers et Amsterdam et contribuèrent à faire la richesse de Venise.
Et l'activité religieuse et culturelle était aussi très intense, les Juifs vénitiens étant autorisés à étudier à la prestigieuse
université de Padoue, si bien que le ghetto de Venise est devenu un centre d'études juives.
Parmi les résidents notables du ghetto figurent les rabbins
Simone Luzzatto et
Léon de Modène, dont la famille est originaire de France, ainsi que sa disciple
Sara Copia Sullam, écrivaine accomplie, rhétrice (épistolaire) et salonnière. L'éditeur
Daniel Bomberg, le célèbre verrier Meir Magino et la journaliste
Margherita Sarfatti viennent aussi du ghetto,
L'entrée du Ghetto sur Fontamenta di Cannaregio